Monsieur le Grand Rabbin de France,

Nous vous remercions d’être venu vous asseoir à nos côtés pour la conférence que nous avons organisée, mercredi soir, avec le Centre Communautaire, sur le

thème : « Pour un judaïsme engagé contre toutes les discriminations ».

C’était un moment historique, car c’est la première fois qu’un Grand Rabbin de France en exercice répond à notre invitation.
Nous retenons un ensemble d’éléments positifs que nous saluons et souhaitons voir repris partout et avec fermeté.

  • Vous avez répété à plusieurs reprises que  « l’homophobie n’a pas sa place dans le Judaïsme ».
  • Vous avez également précisé que nous avions l’égalité rituelle ; il n’existe donc aucun argument pour empêcher, par exemple, un homme homosexuel de monter à la Torah un jour de Shabbat.
  • Nous retenons aussi que les médiateurs du Consistoire seront à même de traiter les cas d’homophobie dans la communauté. Nous n’hésiterons pas à relayer cette information auprès de nos membres, et à envoyer les personnes qui seraient victimes d’actes ou de propos homophobes vers l’adresse suivante : mediateur@consistoirecentral.fr
  • Vous avez également vanté les mérites du programme de formation « Emouna » à Sciences-Po, pensé pour sensibiliser les futurs leaders religieux aux différents types de discrimination, dont l’homophobie.
  • Vous enseignez vous-même dans l’école rabbinique que l’épisode de « Sodome et Gomorrhe » n’est pas, comme on pourrait le croire, une condamnation divine de l’homosexualité. Le problème venait, au contraire, du refus de ses habitants d’accueillir l’étranger/le pauvre. Nous saluons votre interprétation selon laquelle le refus d’inclure les personnes LGBT reviendrait, pour la communauté juive, à reproduire.

Nous souhaitons vivement que plusieurs rabbins du Consistoire travaillent ensemble à la rédaction d’un ouvrage lié à tous les sujets relatifs à cette nécessaire inclusion, comme cela a déjà été fait par des orthodoxes, en Grande-Bretagne et en Israël.

Nous réaffirmons que les problèmes d’homophobie dans les synagogues ne proviennent pas d’une autocensure des personnes LGBT (« homophobie intériorisée ») mais bien d’un climat d’homophobie que des rabbins en exercice ont pourtant le pouvoir de réduire.

Nous ne partageons pas votre opinion, quant aux propos du Rav Sitruk qui ont, selon vous, « dépassé sa pensée ».

Il ne s’en est jamais vraiment expliqué et n’a pas pris l’initiative de s’excuser directement auprès de la communauté LGBT (qu’il ne nomme même pas)…

Quoiqu’il en soit, cela a clairement causé du tort au Judaïsme français et à la communauté des juifs LGBT blessée par ces propos.

Il est, en outre, des points fondamentaux que nous aurions aimé pouvoir aborder, mais qui, faute de temps, n’ont pu être traités :

Nous aurions, par exemple, souhaité vous interpeller sur cette idée, communément admise chez un grand nombre de rabbins, consistoriaux ou non, que le rejet des homosexuels en tant que personnes est injustifiable, même si l’homosexualité est condamnable.

Le message paraît délicat à faire passer, dans la mesure où, précisément, il lance deux appels contradictoires.

Un appel à la tolérance… et un appel à la méfiance.

Lutte-t-on efficacement et sincèrement contre l’homophobie, quand on continue d’envisager l’homosexualité comme une chose apocalyptique et profondément répréhensible ? Outre que ce discours véhicule un double message, il encourage ses auditeurs à s’inscrire dans un rapport aux homosexuels qui sera, au mieux, un rapport paternaliste : « Faites l’effort de les accepter, malgré ce qu’ils font ! »

Ensuite et toujours en se référant à votre ouvrage « À corps et à toi », nous comprenons mal comment on peut envisager l’homosexualité sous l’angle d’un « choix de vie ». Notre sexualité n’est pas un choix. Notre sexualité fait partie intégrante de ce que nous sommes.

Autant de questions, Mr le Grand Rabbin, sur lesquelles nous aurions aimé vous entendre, car elles sont pour nous capitales.

Ceci dit, cette conférence nous donne de l’espoir.

Celui de vous entendre sur les questions précitées, mais aussi et surtout, de pouvoir construire, à l’avenir, une vraie relation d’échange et de dialogue avec vous.

Nous gardons en tête les paroles réconfortantes et bienveillantes que vous avez prononcées mercredi soir, et l’honneur que vous nous avez fait par votre présence.

Nous espérons, enfin, que vous mettrez dorénavant votre énergie à accueillir des personnes LGBT au sein des institutions et communautés juives.

Pour notre part, nous maintenons notre vigilance et continuerons de refuser la banalisation du discours homophobe, par tous les moyens légaux.

Cordial Shalom

BEIT HAVERIM