Publié dans le Times of Israel

Un jeune militant prometteur se voit soudainement écarté en raison de son orientation sexuelle.

Alors que notre belle fête des lumières illumine les foyers juifs du monde entier, je tenais à partager avec vous cette lettre que j’ai reçue le lendemain de l’allumage de la première bougie de Hanoukka.

L’auteur est un jeune étudiant du Beit Haverim, le groupe juif gay lesbien bi et trans. Il est beau, brillant, et apprend peu à peu à vivre avec son orientation différente de la majorité.

Il est « dans le placard » comme on dit par peur d’être brulé pour sa différence.

Et là, il voulait juste profiter des lumières de Hanoukka pour le premier allumage. Mais un autre étudiant en a décidé autrement : Notre membre recevra comme seul cadeau de ce premier soir l’ombre alors que nous fêtons l’espoir et le progrès.

Il s’agit d’un présent empoisonné qui peut causer de graves dégâts. J’ignorais que la religion juive était comme une boite de nuit, avec un videur devant la porte pour décider qui peut prier…ou non

***

Le téléphone sonne. Une voix sèche me lâche un Hag Sameah sans l’entrain que je lui connais habituellement. Mécaniquement, je réponds en hébreu. Elle enchaîne en me parlant de banalités, le genre de banalités qui précèdent l’annonce d’une catastrophe. Je ne reconnais pas cette voix car elle est distante, maladroite, faite de pauses inhabituelles et de longueurs insensées.

À un moment, elle décide de stopper la pluie et le beau temps, et de me jeter à la face le pourquoi de son appel.

– T’es homosexuel ?

Le vide se fait dans ma tête, mon esprit s’arrête sur cette lourde question.

Je savais qu’un jour elle s’imposerait à moi. Comme le condamné, j’aurais cependant aimé demander à mon bourreau, une minute encore. Trop tard.

La voix s’agite. Elle m’explique qu’elle est colère et qu’elle ne sait pas quoi faire. En colère parce qu’il m’apprécie et qu’il ne pensait pas ça de moi.

Que dois-je dire ? Nier ? Rire ou pleurer ?

Je déglutie. Un long silence. Je balbutie. Me tais. Mon silence semble être une réponse suffisante. La voix enchaîne en me parlant de manière confuse, de l’importance du mariage, de la transmission de notre identité juive par la femme et termine par cette terrible question ; tu veux finir comme un vieux avec un chat à allumer tes bougies tout seul ?

Mon cœur saigne. Que dois-je faire avec sa colère ? Qu’en ai-je à faire d’ailleurs ? Du brillant militant à qui l’on proposait de hautes responsabilités je deviens « le mec embarrassant dont on ne sait pas quoi faire ». Je suis humilié par un puceau de mon âge, qui me parle, sans me connaître, d’amour et de plaisirs sexuels.

Sans se démonter il m’annonce que je suis écarté de l’allumage de ce soir qui devait se dérouler, dans le local de ma communauté étudiante.

Non pas parce que je dérange, mais parce que j’ai besoin de me ressaisir.

Ces mots s’entrechoquent dans mon cerveau de manière violente.

-Je dois me ressaisir ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ressaisir, verbe du 2e groupe ; se remettre en possession de quelque chose.

Je ne possède donc pas mon cœur lorsqu’il bat au regard d’un homme ? Mon corps lorsqu’il frémit quand un homme me frôle ? Ma bouche lorsqu’un homme la touche ?

Si je ne me possède pas lorsque je suis moi, alors j’appartiens à qui ? Pas à la lumière puisqu’on m’en prive. Pas à ma foi puisqu’on m’en écarte.

À qui, alors ?