Le Beit Haverim a milité avec énergie en 2012/2013 pour le Mariage pour tous, projet de loi du gouvernement Holland. L’association créée en 1977, est membre de l’Inter-LGBT. Retour sur cette période riche en émotions.

Le Beit Haverim n’est pas une association cultuelle mais culturelle et laïque. Elle prend en compte tous les aspects de l’identité juive ainsi que les identités et orientations sexuelles. L’association est indépendante et n’appartient à aucun courant ou synagogue en particulier. L’association rencontre et dialogue avec tous les acteurs de la vie juive, et est ouverte sur la cité.

Notre position par rapport aux revendications pour le Mariage pour tous : Notre position est la même que celle de l’Inter-LGBT dont nous sommes membres actifs : nous réclamons l’égalité totale des droits ( Voir l’argumentaire Agissons pour l’égalité).

Corrigeons tout d’abord une confusion fréquente : les gens pensent parfois que nous sommes juifs avant d’être citoyens, et que juifs signifie nécessairement religieux. Or notre association est une association LGBT militante, ouverte sur la Cité. Il est donc naturel que nous ayons les mêmes positions que l’ensemble des associations LGBT. En ce qui concerne le caractère juif de notre association, il implique en réalité des identités multiples : cultures juives diverses, éducations et parcours variés, pratiques religieuses et convictions philosophiques radicalement différentes. Notre association ne peut donc pas s’exprimer au nom des juifs homosexuels, ne peut être affiliée, et ne dit pas à la communauté juive ce qu’elle doit faire ou penser. La communauté juive est, en plus de cela, aussi complexe que le Beit Haverim. Nous avons vocation à être un phare, et à faire avancer la visibilité des personnes juives LGBT. Nous avons la mission de rappeler et de faire vivre les valeurs de tolérance et de respect de l’autre. Nous avons également vocation à nous exprimer dans notre différence au sein de la communauté LGBT, qui doit, elle aussi, être aussi mixte que possible. Les personnes LGBT viennent de tous horizons.

Notre position par rapport à la communauté Juive : Nous sommes en désaccord avec le contenu de l’essai du Grand Rabbin de France. Nous préférons ne garder en tête que le positif, lorsque Gilles Bernheim avait signé l’appel de l’IDAHO contre les violences homophobes faites au nom de la religion, il y a un an (Voir dans le Menu Principal: Citoyenneté -> Prévention). Malheureusement, le Grand Rabbin Gilles Bernheim a récemment publié un essai dont la terminologie est quasiment guerrière (« cheval de Troie » pour le mariage pour tous) qui accuse les militants homosexuels. Notre premier regret est l’ingérence religieuse dans le débat politique. Personne ne songe à imposer aux communautés religieuses le mariage pour tous. Le divorce, interdit par l’Eglise catholique, n’y existe toujours pas, bien qu’il existe dans le code civil depuis longtemps maintenant. Nous avons rencontré Gilles Bernheim depuis sa prise de position et nous restons dans le dialogue. Les réactions n’ont pas tardé à suivre. Une juriste et un chercheur ont dénoncé “un judaïsme sans pertinence” sur Le Monde.fr, dénonçant la branche la plus conservatrice du Judaïsme orthodoxe et Consistorial. Le Beit Haverim s’est bien sûr immédiatement exprimé par l’intermédiaire de son Porte-Parole Franck Jaoui, qui a co-signé un article sur Le Monde.fr et qui a poursuivi son argumentaire dans une intervention sur Radio J, ainsi que sur Judaïques FM. Le rabbin Yeshaya Dalsace, du mouvement massorti, n’avait pas tort lorsqu’il déclarait dans Libération que ce débat ne concerne pas la religion : au nom de la laïcité, il a dénoncé une ingérence du religieux dans le débat républicain, et, au mois de décembre, a déconstruit l’argumentaire du Grand Rabbin de France dans un article très riche. Néanmoins, parce que nombreux sont ceux qui le réclament, il est nécessaire et inéluctable que les communautés juives de diverses tendances réfléchissent et évoluent à leur niveau sur la question de la place faite aux LGBT et à leur famille. Pour le mouvement massorti et libéral (non-consistoriaux), la question n’est plus d’accepter l’homosexualité, mais d’aller plus loin dans l’inclusivité, alors même que les enfants issus de ces familles homoparentales font leur Bar Mitsvah depuis longtemps. Notons que le premier rabbin ouvertement homosexuel officiera très prochainement dans une communauté libérale. Le Beit Haverim, en tant que phare, a le devoir d’être présent et de s’exprimer dans la communauté juive, pour faire évoluer le débat social.

Nous nous réclamons d’une tradition à la fois pragmatique et exigeante sur le plan intellectuel. Nous revendiquons un héritage philosophique humaniste et ouvert. Nous sommes attachés à une culture riche et chaleureuse, et nous nous réjouissons de tous les soutiens à l’égard les droits LGBT au sein de la communauté juive. En ce qui concerne la religion, nous encourageons tous les courants du Judaïsme à poursuivre leur réflexion et à réviser leur point de vue. Le Judaïsme est une tradition vivante qui exige un questionnement permanent. Nous affirmons l’idée que l’homosexualité ne pose aucun problème éthique, et nombreux sont celles et ceux qui dans le monde juif en France et ailleurs, partagent depuis longtemps ce point de vue.

Rappel historique:

A partir du début des années 90 la question du mariage homo a fait son entrée : le PACS existe déjà mais ne donne pas la possibilité pour un couple homo d’avoir des enfants.

En 2003, le maire de Bègles a souhaité célébrer un tel mariage, annulé par le TGI de Bègles, la Cour d’appel de Bordeaux et enfin, la Cour de Cassation qui a rejeté ce pourvoi le 13 mars 2007.

En l’espèce (TGI Bordeaux, 27 Juillet 2004) : Le maire de Bègles consent à marier deux hommes. Malgré l’opposition du Procureur de la République, fondée sur la violation des conditions de fond du mariage, celui-ci est célébré le 5 juin 2004. Le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux est alors saisi afin de faire annuler cette union. Il convenait principalement de rechercher si la différence de sexe entre les époux est une condition de fond du mariage, tant au regard du droit interne français qu’au regard du droit européen. Le TGI, après une longue discussion, tranche en faveur de l’annulation de l’union pour n’avoir pas rempli la condition relative à la différence de sexe.

D’après la Cour de Cassation, « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». Elle estime que ce principe n’est contredit par aucune disposition de la CEDH (Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme) et de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. La règle française est parfaitement conforme aux normes internationales.

Dans le pourvoi, les ex-époux invoquaient un certain nombre de dispositions de la CEDH comme l’art 8, 12 et 14. Ils estimaient que le droit français était contraire à ces articles, mais la Cour de Cassation répond par la négative sans prendre la peine de justifier sa décision. Elle ne fait qu’affirmer le contraire.

Les époux invoquaient aussi l’article 9 de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui dit que « le droit de se marier est garanti selon les lois nationales ». Il n’y a ici pas de référence au sexe des époux, ce qui est intentionnel.

Depuis la ratification du traité de Lisbonne, cette charte a force obligatoire sur les Etats membres. Ceci ne changera rien au mariage homosexuel puisque ce sont les lois nationales qui fixent son accès.

De plus en plus de pays autorisent le mariage pour les couples de même sexe.